#A69 : un tronçon, résolument
Si le coût environnemental de l’A69, le tronçon autoroutier qui reliera Castres à Toulouse, a été bien documenté, dans l’ensemble des médias, les polémiques et controverses, nombreuses, qui ont émaillé le projet à tous les niveaux, font flamber les réseaux sociaux depuis plusieurs mois et méritent d’être récapitulées.
1- Étude d’impact, concertation
En amont du projet, pour commencer, et notamment lors de la réalisation de l’Étude d’impact et de la concertation qui s’est ensuivi, de nombreuses contestations :
- Tout d’abord : un projet couteux en deniers publics (23 millions d’€). Et pas vraiment populaire : avec presque 13 ct€/km de péage, l’A69 se classe parmi les tronçons les plus chers de France.
- Un gain de temps annoncé de 35 mn calculé de façon biaisée : sur la base de 128km/h dans l’Étude d’impact, alors que la moyenne nationale est de 118km/h sur autoroute. Tout cela sans considérer de ralentissement (contre 10mn de bouchons moyens retenus sur l’actuelle N126).
- Un trafic classiquement insuffisant pour motiver la construction d’un axe routier de ce type : 8k véhicules/jour, la moitié du trafic Toulouse-Lourdes et le quart de Toulouse-Albi. Pour se justifier ATOSCA, l’aménageur, surcote les estimations à 10k véhicules/jour, ce qui est contesté.
- Pire encore, selon l’Enquête publique, « la preuve qu’aucune alternative routière n’était meilleure n’a pas été réellement apportée », et la solution ferroviaire a été balayée par Arrêté préfectoral.
- Tout cela pour un gain économique et un désenclavement de Castres qui n’ont jamais été démontrés, et qui restent hautement hypothétiques, voir les travaux du Groupe scientifique de l’Institut National Universitaire J-F Champollion d’Albi.
2- Le caractère (très) particulier du Contrat de la concession autoroutière A69
Tout se passe comme si les bases du Contrat passé entre l’État et Atosca (l’aménageur de l’A69) avaient pour objectif de sécuriser le projet :
- L’information sortie par Off Investigation, tout d’abord. Deux actionnaires clés d’Atosca, qui exploitera l’A69, auraient participé (au conditionnel, l’information reste à vérifier) au financement de la carrière politique d’Emmanuel Macron en 2017 et auraient continuer à jouer le rôle de conseillers financiers depuis.
- Dès avril 2015 Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, a introduit une logique de partenariat État / Aménageur : le contrat Atosca A69 prévoit ainsi le remboursement d’une partie des subventions publiques dès que les recettes dépassent de 10% le chiffre d’affaires.
- Un indice d’actualisation du prix des péages est prévu pour compenser une éventuelle hausse du coût des travaux. C’est la logique du risque minimum, basé, ici encore, sur un arrangement État / Aménageur.
- Un autre point attire l’attention : les 55 ans de concession accordés à Atosca constituent une période très (trop) longue ; 30 ou 40 ans sont plutôt la norme. Et bien sûr, plus le contrat est long, plus les investissements de départ sont amortis et plus les bénéfices sont importants.
3- Des interventions incessantes, au sommet de l’état
Une main de fer dirige en coulisse les opérations, depuis le début : Pierre Fabre Group, qui possède son siège à Castres et plusieurs sites de recherche et de production à Toulouse :
- En piste dès 2006, avec le gouvernement de D. de Villepin pour initier le projet de consolidation de la liaison Toulouse-Castres permettant d’améliorer la communication entre ses sites.
- Puis en 2013, M. Pierre Fabre en personne, peu avant sa mort, négocie directement avec François Hollande et décroche la garantie de la réalisation d’une 2 fois 2 voies en concession autoroutière.
- En septembre 2023, au paroxysme de la contestation, Clément BEAUNE, ministre des transports, évoque un moratoire qui déclenche une intervention décisive de Pierre Fabre : « …si c’est la fin du projet, il n’y aura plus d’investissement dans le Sud du Tarn ».
- Octobre 2023 : le chantage à l’emploi et à l’activité a payé. Le gouvernement affirme que le chantier continue et que « l’État est déterminé » [à faire aboutir le projet qui a été] « décidé démocratiquement et confirmé systématiquement par le juge ».
Actuellement Pierre Fabre demeure silencieux. Des oppositions en interne au sujet de l’A69 et la crainte d’un boycott de leurs produits et/ou de la dégradation de l’appareil de production murent l’industriel dans le silence.
L’A69 passera
Au terme de ces éclaircissements on comprend mieux pourquoi l’A69 ne risquait pas d’être remise en cause et pourquoi quelques arbres et quelques écureuils perchés à leur sommet n’ont pas suffi à déboulonner un édifice aussi réfléchi et aussi lucratif.
Un ZAN grignoté de toute part, un tronçon d’autoroute qui doit passer quoi qu’il en coûte, de quoi s’interroger sur la nature réelle de « l’écologie à la française » chère au gouvernement.
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