Véhicules électriques : une solution perçue comme une menace
Des métaux rares importés en avion, des batteries fabriquées au charbon de Chine, des risques d’incendies… La com’ anti-BEV (véhicules électriques avec batterie – excluant les véhicules hybrides) est suractive.
Mais les arguments qui la composent, s’ils sont percutants, sont aussi discutables, pour ne pas dire erronés.
Les BEV sont-ils aussi toxiques qu’on le dit pour l’environnement ou peuvent-ils être au contraire une alternative aux véhicules thermiques actuels, qui représentent le premier pôle d’émission de CO2 en France ?
Bilan (aussi) dépassionné (que possible).
Empreinte carbone des français en 2021, selon carbone 4 & My CO2. La voiture individuelle (essentiellement thermique) est de loin le pôle principal (presque 2,5 fois supérieur aux pôles suivants, très proches : gaz et fioul pour les logements / viande pour alimentation).
>> Voir aussi : Le 6ème Rapport du GIEC en points clés
MOINS de CO2 émis.
La toute dernière étude ACV (Analyse en Cycle de Vie) menée par The Guardian, montre que suivant la nature de la production de l’électricité le bilan carbone d’une voiture électrique (BEV) peut être jusqu’à trois fois moins élevé que celui d’une voiture thermique.
Les enseignements sont on ne peut plus clairs :
👉 La nature de la production électrique impacte du simple au triple le bilan carbone global des BEV.
👉 La « dette carbone » due à la production de la batterie se « rentabilise » en 2 à 6 ans (toujours selon la nature de la prod. électrique).
👉 Même dans le moins bon cas (production électrique la plus carbonée), les BEV accusent 100 grammes de moins de CO2 par kilomètre.
Cette étude s’inscrit à la suite de dizaines d’autres analyses ACV qui montrent toutes la même chose : le gain en CO2 des BEV est indiscutable (voir compilation des études sur la France ci-dessous). Il est donc temps de garantir que le gain climatique des véhicules électriques est avéré.
Méta-analyse portant sur 13 études réalisées sur la France, Aurélien Bigot, Chercheur sur la transition énergétique des transports. Il en ressort une division par 2 à 5 de l’impact carbone en passant d’une voiture thermique à l’électrique.
>> Voir aussi : Transport à la voile : pas que du CO2 en moins
Les arguments discutables de la com’ anti-BEV
Nous l’avons dit en introduction : les véhicules électriques font face à une communication négative nourrie. Extractivisme forcenée et conditions déplorables de travail dans les mines, besoin démesuré en ressources et en minéraux, pénuries rapides en perspective, batteries non recyclables…
Pourtant, tous ces arguments, une fois détaillés, sont discutables, et même plutôt erronés.
Des « terres rares » qui vont manquer. Elles ne sont ni rares (elles sont peu denses) ni forcément nécessaires, de nombreuses alternatives existent. Plus précisément, la disponibilité de ces éléments est bien plus similaire à celle du nickel ou du cuivre qu’à celle de métaux précieux comme l’or ou le platine. Les terres rares sont présentes partout sur Terre mais sont disséminées en très faible quantité, à l’inverse de certains métaux pour lesquels on retrouve des gisements massifs. Par ailleurs de nombreuses start’up, comme Genes’Ink, travaillent sur la substitution des ces terres rares ou la possibilité d’en utiliser beaucoup moins (jusqu’à 70 fois moins).
Des conditions de travail déplorables dans les mines, des enfants à la manœuvre. C’est vrai dans certaines zones, comme en RDC, mais les BEV ne sont qu’une utilisation parmi d’autres – dont on ne parle jamais. Plus précisément, selon une estimation ancienne de l’unicef (2014), quelques 40 000 enfants travailleraient toujours dans les mines, dans des conditions particulièrement périlleuses, en particulier à Kolwezi (République démocratique du Congo). Le problème est plus compliqué que ce qu’il n’y parait. Si Kolwezi est devenue la « capitale mondiale du cobalt » c’est grâce aux efforts démesurés de la RDC pour y parvenir : hôtels flambants neufs, aéroports, infrastructures… Une solution à ce problème local est donc autant géopolitique que technique.
Des batteries Li-ion qui ne sont pas recyclables… Il est vrai qu’actuellement seuls quelques pourcents sont effectivement recyclés actuellement. Mais c’est davantage parce que la filière n’est pas encore mature (ni suffisamment alimentée – elle émerge) que parce les batteries seraient peu recyclables (elles le sont à plus de 70%).
Et nous l’avons vu : un bilan carbone contesté. Mais, contrairement aux idées reçues, les BEV possèdent un bilan carbone plusieurs fois moins élevé, suivant la nature de la production de l’électricité, que celui d’une voiture thermique.
Récapitulons.
Nous ne manquerons pas de ressources pour les BEV. Ni en terres rares, ni en Lithium. Le cas le plus problématique est finalement celui celui des métaux courants, utilisés, partout, comme le cuivre. Mais dans ce cas les BEV ne peuvent, à eux seuls, être tenus responsables de l’assèchement de la ressource.
Concernant le recyclage des batteries, mettre en avant un taux faible alors que les batteries ne sont pas encore parvenu en fin de vie est un forme de dévoiement scientifique. En avançant dans le temps, le modèle économique devenant plus réaliste, ce taux sera des plus importants.
En ce qui concerne les conditions de travail dans les mines, ici aussi, le problème existait avant les BEV et ne lui est pas dû. Ce problème est évidemment à traiter, sur quelques endroits bien ciblés, mais incriminer les BEV n’est pas cohérent.
Un article de la Revue Charlie Hebdo, qui fait partie d’une série « anti BEV », dont le dernier : « Véhicules électrique, dernière arnaque avant l’apocalypse » ; toujours les mêmes ingrédients basés sur les poncifs, et sans ordres de grandeurs ni vue sur les contraintes liées aux ressources.
>> Voir aussi : Industrie aéronautique: des émissions et des inégalités
Plus d’incendies avec les BEV ?
On est dans le haut-lieu de la croyance. C’est aussi l’arme ultime des anti-BEV : les véhicules électriques brulent. Qu’en est-il précisément ?
Dans un article récent du Guardian, les incendies de BEV vs les véhicules thermiques sont recensés dans différents pays ou corpus : la Norvège (le pays possédant le plus de voitures électriques), l’Australie et la flotte mondiale de Tesla. Les résultats sont les suivants :
- Norvège : 0,3 incendie pour 10000 voitures électriques en 2022, contre 1,8 pour 10000 voitures à essence ou diesel.
- Australie : 0,5 incendie pour 10000 voitures électriques en 2022, contre 3,1 pour 10000 voitures à essence ou diesel.
- Flotte mondiale de Tesla : 0,1 incendie pour 10000 voitures électriques en 2022, contre 1,4 pour 10 000 voitures à essence ou diesel…
… soit environ 6 à 10 fois plus d’incendies pour les véhicules thermiques que pour les BEV.
Pondérons : des études complémentaires sont en cours pour affiner le mode de démarrage des incendies (les chiffres actuels incluent souvent le vandalisme). D’autre part, les incendies de BEV sont différents, plus dangereux ; ils sont inextinguibles et nécessitent des moyens de lutte plus importants.
Précisons par ailleurs un point qui est quelquefois signalé (à tort) comme un biais d’analyse : les sets de données précités intègrent l’ensemble des causes aboutissant aux incendies, dont actes de délinquance. Or ces derniers sont essentiellement ciblés sur les voitures thermiques car c’est évidemment plus facile d’y mettre le feu étant donné la présence d’un réservoir d’essence… Tous ces éléments sont pris en compte et intégrés dans les études, ce qui les rend fiable. Et le résultat est là : au final, tous facteurs confondus, les BEV brûlent moins.
Voir l’intégralité de l’étude menée par The Guardian, dans différents pays (novembre 2023).
>> Voir aussi : Véhicules électriques : une solution perçue comme une menace
En conclusion : menace ou solution ?
On est inondés par la com’ anti véhicule électrique (BEV), aux arguments discutables. Mais qui s’interroge sur l’impact des véhicules thermiques, en faisant son plein d’essence ?
Qui imagine, en stoppant à la station-service, les conséquences directes et indirectes de l’exploitation pétrolière : conflits armés, guerres, marées noires, pollution des sites d’exploration, migrations forcées, déclin de la biodiversité… ?
Qui pense, pompe en main, à la forêt boréale, grignotée par l’exploitation des sables bitumineux (il est vrai très limitée en proportion de surface concernée), à la destruction des tourbières qu’elle héberge, à la ruine des écosystèmes qui lui sont liés, aux rejets toxiques dans l’eau, dans l’air, métaux lourds en tête ?
Qui songe, en remettant le contact, aux colossales quantités de GES rejetées en amont, loin dans le rétroviseur, bien avant que le carburant ne brule dans le moteur, lors de l’extraction, du raffinage, des transports ?
Pas grand monde. Pourtant ces impacts existent et sont documentés depuis des décennies. Et c’est la comparaison de ces impacts avec ceux générés par les véhicules thermiques qui comptent. Aucune option ne sera jamais parfaite, mais il nous semble que les véhicules électriques représentent un moindre mal, notamment au regard de la limitation de l’impact climatique que l’on peut leur attribuer.
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