Zéro Artificialisation Nette : entre nécessité et détricotage

Avec l’équivalent d’un département artificialisé tous les 10 ans en France, l’état a échafaudé un plan de désartificialisation ambiteux. Ainsi la France devra s’inscrire dans l’objectif « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) en 2050 tout en accédant à des objectifs intermédiaires importants dès 2030.

Pourquoi c’est indispensable

La loi climat et résilience du 22 août 2021 a formulé un double objectif : 1) réduire de moitié le rythme d’artificialisation nouvelle entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente et 2) atteindre d’ici à 2050 une artificialisation nette de 0% (ZAN), c’est-à-dire au moins autant de surfaces « renaturées » que de surfaces artificialisées.

Il n’y avait plus le choix : en artificialisant continûment ses terres, la France perd sur tous les terrains, si l’on puit dire. Les risques sont bien identifiés par le Ministère de l’écologie, qui en fait son argumentaire :

  • Perte de biodiversité : la transformation d’un espace naturel en terrain imperméabilisé modifie considérablement ou fait disparaitre l’habitat des espèces animale ou végétale de cet espace naturel, et peut conduire à leur disparition d’un territoire.
  • Réchauffement climatique : un sol artificialisé n’absorbe plus le CO2 et participe donc à la hausse des températures.
  • Risques d’inondations : par définition un sol imperméabilisé n’absorbe pas l’eau de pluie. En cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissèlement et d’inondation sont donc amplifiés.
  • Réduction de la capacité des terres agricoles : l’artificialisation entraîne une perte de productivité agricole et limite directement la production alimentaire de nos territoires.
  • Accroissement des dépenses liées aux réseaux : pour le rendre accessible et fonctionnel, un terrain artificialisé demande beaucoup d’entretien et d’efforts d’aménagement (routes, électricité, assainissement) qui sont couteuses et viennent souvent ajouter d’autre nuisance à la biodiversité (nuisance sonores, pollution lumineuse, pollution de l’air et de l’eau)…
  • Amplification de la fracture territoriale : l’étalement urbain et la construction en périphérie des villes renforce également la fracture sociale déjà présente en reléguant notamment une partie des habitants à l’écart du centre-ville, provoquant sa désertification et la dévalorisation des petits commerces.

Qu’est ce que le Zéro Artificialisation Nette – ZAN ?

Le concept d’artificialisation NETTE ne préconise pas d’arrêter de construire en 2050. Il s’agit simplement de ne pas construire plus que ce que l’on peut « renaturer ». La renaturation c’est l’opération inverse de l’artificialisation ; on fait repasser à l’état naturel une terre artificialisée.

La ZAN considère donc la différence : Artificialisation — Renaturation. Et la renaturation, c’est vaste. Il s’agit par exemple de :

  • Destruction et/ou revégétalisation de friches industrielles, d’anciennes voies ferrées, des délaissés routiers, des sites de stockage abandonnés… 
  • Désimperméabilisation de trottoirs, de parcs et jardin urbains, de cours d’écoles, de cimetières, de voies de berges, d’allées de tous types…
  • D’augmentation / forçage d’espaces naturels en ville : création de parcs correctement aménagés, de toitures végétalisées, d’ingénierie végétale… 

C’est dans ce sens qu’il faut entendre les objectifs 2030 et 2050 de la loi Climat et résilience.

>> Voir aussi : Objectif 2 tonnes de CO2: l’inaccessible cible?

Comment agir ?

Les possibilités sont complexes mais immenses. Partons du constat : la moitié des surfaces artificialisées le sont à des fin d’urbanisation, de logements. En clair : on étend les villes. C’est donc sur ce poste que les actions les plus efficaces existent.

Et les villes et les urbanistes ne manquent pas de solutions.  On peut en premier lieu lutter contre la vacance issue de l’obsolescence des immeubles, en cœur des villes moyennes et des villages. Les projets de rénovations de bâtiments de tous types s’inscrivent ici et les couts de constructions sont compétitifs par rapport au neuf via l’existence de subventions dédiées.

Dans le même ordre d’idée, il est possible d’utiliser les surfaces associées aux friches industrielles, aux parkings démesurés des hypermarchés ou encore aux terrains trop grands autour des habitations.

Ce dernier concept a un nom : BIMBY (Build in my Backyard). Il s’agit littéralement de « construire dans mon jardin ». En clair cela revient à créer, au sein des zones pavillonnaires, de nouveaux logements sur des parcelles déjà construites, et divisées pour cette occasion.  Encadrées par une collectivité, cette démarche repose sur le volontariat des propriétaires.

La « surélévation » des logements existants est également une piste sérieuses. En élevant d’un ou plusieurs niveaux un bâtiment existant, sans modifier l’emprise au sol, on libère du foncier dans des proportions significatives. Et les subventions sont au rendez-vous, de même que les gains énergétiques.

La limitation des projets de réseaux routiers (25% de l’artificialisation française) est une autre piste puissante, de même que la fin du laxisme vis-à-vis des implantations commerciales et de plateforme de stockage/distribution (également 25% de l’artificialisation française) en est une autre.

Les projets de rénovations ou les constructions sur friches bénéficient de couts de constructions compétitifs par rapport au neuf via l’existence de subventions dédiées.

>> Voir aussi : STONEGOM® : ACV pour écoconception des pistes cyclables

L’inquiétude monte, le gouvernement détricote

C’est une réalité : la ZAN inquiète les acteurs du secteur. Promoteurs, constructeurs, maires… redoutent une limitation drastique de leur activité. Les retours du terrain sont incessants et cette bronca a fini par payer.

En effet, dans un objectif d’apaisement, les sénateurs ont déposé le 7 mars dernier une proposition de loi visant à « faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires ».

Au programme : la mise en oeuvre de plusieurs dérogations telles que :
– les grands projets nationaux : LGV, autoroutes, prisons… (compte spécifique),
– les projets d’intérêt pour la souveraineté nationale ou européenne (enveloppe stratégique),
– les bâtiments agricoles et les pelouses attenantes aux infrastructures de transport,
– et création d’un « droit à artificialiser » de 1% de la surface totale pour les communes rurales ou peu denses,
– … (25 mesures au total).

Le gouvernement a enclenché une procédure accélérée sur ce texte. Mais Christophe Béch, ministre de la Transition écologique a estimé que les dispositions adoptées par le Sénat ouvraient « trop largement la porte » à l’artificialisation. Il s’est également montré sceptique sur la possibilité de parvenir à un accord entre députés et sénateurs.

Pourtant, la Haute Assemblée souhaite que la discussion parlementaire « aboutisse avant l’été ».

C’est dans ce contexte que l’on comprend que la pression va être très forte et que l’état devra tenir bon face aux différents intérêts.

A suivre.

>> Voir aussi : STONEGOM® : un revêtement écoconçu et prêt pour les parkings

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