Consigne des bouteilles en plastique : le casse-tête continue

Il y a un an et demie environ un compromis a été trouvé concernant la consigne des bouteilles en plastique. Les différentes parties qui s’opposaient ont décidé… de repousser la mesure à 2024.

Pourquoi 2024 ? Pour laisser le temps à l’Ademe d’évaluer la faisabilité et l’intérêt de cette mesure. Concrètement, un rapport est attendu au deuxième semestre 2023 pour statuer.

Si nous revenons aujourd’hui sur ce dossier, c’est parce que l’Ademe a publié récemment (en février 2021) un rapport intermédiaire, et très complet, qui constitue un état des connaissances à date sur la consigne des bouteilles de boissons.

Retour sur les enjeux et l’évolution de ce dossier.

Acte 1 : 2019, pro et anti consigne bouteilles plastiques, l’année des oppositions argumentées

Deux camps s’opposent.

Les « pro-consigne » (gouvernement, députés de la majorité et industriels de l’agroalimentaire), pensent que la consigne sera plus efficace que le système actuel (le tri en bacs jaunes). Ces acteurs estiment ainsi qu’elle permettra de responsabiliser les consommateurs, d’une part, et de les inciter financièrement (15 ou 20 centimes par bouteille ramenée) , d’autre part.

Les « anti-consigne » (professionnels du recyclage et nombreux élus locaux, appuyés par le Sénat), soulignent, eux, les défauts de la consigne, au long de nombreux arguments :

  • Sur le plan environnemental, il n’est pas certain que les émissions de gaz à effet de serre dues au transport des déchets jusqu’aux points de collecte rendent le bilan carbone de la consigne intéressant.
  • Le bilan financier des collectivités locales est également sur la sellette : si la consigne permet d’éviter une partie des coûts de collecte, elle fait également perdre des recettes, liées surtout à la suppression du soutien de Citéo et à la perte de revente de matière.
  • La nécessité de la consigne est contestée : beaucoup pensent que le tri via les bacs jaunes, moyennant quelques optimisations, permettrait d’atteindre les objectifs européens de 90 % des bouteilles collectées pour réemploi ou recyclage d’ici à 2029 (contre 55 % en 2019).
  • Le risque de freiner globalement la participation des consommateurs, en multipliant les moyens de collecte (bac jaune + traitement spécifique des bouteilles en plastique) est également un point sensible. FEDEREC, la Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage, notamment, estime que cette incohérence peut être globalement contre-productive.

Les observateurs notent par ailleurs un absent de taille dans le débat : les ONG. Mal à l’aise, elles ne peuvent trancher entre l’image positive de la consigne et le risque associé, qui va contre leur communication depuis des années : pérenniser le plastique au moment où l’on veut justement en sortir.

Acte 2 : janvier 2020, le compromis obtenu : repousser la décision à 2024.

Le mercredi 8 janvier 2020, sept sénateurs et sept députés réunis en commission mixte paritaire trouvent un accord unanime sur le projet de loi sur l’économie circulaire : la consigne n’est pas abandonnée, mais simplement repoussée à 2024. Le futur gouvernement décidera à cette date de la lancer ou pas. Les décisions seront prises sur la base d’un rapport de l’Ademe, attendu pour juin 2023, qui permettra d’analyser les différents enjeux et de déterminer, durant le dernier semestre 2023, si l’organisation via les bacs jaunes peut suffire pour atteindre les objectifs européens ou si la consigne est nécessaire.

Acte 3 : l’édition d’un rapport Ademe intermédiaire en février dernier

Le rapport « Consigne pour réemploi et recyclage des bouteilles de boissons » édité en février dernier par l’Ademe permet de dégager des premiers éléments d’analyse concernant l’obtention de l’objectif fixé par la loi AGEC : taux de collecte pour recyclage des bouteilles en plastique pour boisson de 77 % en 2025 et 90 % en 2029 (qui est également un objectif européen, nous l’avons dit) [1].

Le rapport traite des dispositifs de consigne mixtes, c’est-à-dire des dispositifs associant une consigne d’emballages à usage unique en vue de leur recyclage et une consigne d’emballages réemployables en vue de leur réemploi.

Il met en avant différents points importants (extraits du rapport [2]) :

  1. L’évaluation des impacts de dispositifs de consigne, tant pour recyclage que réemploi, constitue un exercice particulièrement complexe au regard de la diversité des problématiques et possibilités.
  2. Le déploiement de la consigne de bouteilles en PET réemployables pourrait contribuer aux différents objectifs de la loi AGEC, en divisant par deux la consommation de bouteilles de boissons en plastique à usage unique à l’horizon 2029.
  3. Les travaux conduits n’ont pas permis, à ce stade, de dresser un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) des scenarii de consigne pour réemploi des bouteilles en PET.

Enfin, l’étude conclut en signalant que des travaux complémentaires sont nécessaires pour d’une part approfondir et fiabiliser l’étude, et plus largement, recueillir tous les éléments indispensables pour alimenter la prise de décision relative à la mise en place de la consigne en France d’ici 2024.

CQFD.

Consigne bouteille plastique – Références

[1] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC), Légifrance.
[2] Consigne pour réemploi et recyclage des bouteilles de boissons – Définition des dispositifs et analyse comparée avec d’autres modalités de collecte, Ademe, février 2021.
• Consigne des bouteilles plastique : 90% de collecte, Actu-Environnement.com, mars 2021.
Accord définitif sur la future consigne des bouteilles plastique, Figaro Economie Entreprises, Cécile Crouzel, 9 janvier 2020.
• Bouteilles en plastique : faut-il les consigner ? caminteresse.fr, 21 janvier 2020.
> illustration : image en creative commons, Pixabay, Willfried Wende.

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