Objectif 2 tonnes de CO2: l’inaccessible cible?

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Vous venez juste de terminer l’évaluation de votre empreinte carbone via un simulateur en ligne et vous êtes déçu.e du résultat ? Malgré des efforts soutenus et réguliers vous êtes encore bien loin de l’objectif de 2 tonnes de CO2eq par an et cela vous décourage ? Alors lisez attentivement les éléments suivants.

Notre atelier 2 tonnes : qu’est-ce qu’une bonne empreinte carbone?

Commençons par le commencement et fixons les idées. Qu’est-ce qu’une bonne empreinte carbone ? Ou plus précisément, à quoi peut-on prétendre si l’on suit l’ensemble des consignes bas carbone ?

Nous avons fait le test via le simulateur national Nos Gestes Climat, maintenu par l’Ademe et Datagir. Les principales caractéristiques retenues sont les suivantes :

✈️ Pas d’avion, pas de voiture perso, peu de kilométrage.
🥕 0 viande, 0 gaspillage, produits locaux et de saison.
🥶 Peu de chauffage l’hiver, environ 16°C maintenu (Paris).
🛒 Le strict minimum de produits manufacturés neufs : achat d’occasion dès que possible, conservation des produits achetés jusqu’à obsolescence.
🏠 Appartement de taille moyenne (7O M2), en collocation.

Résultats du Bilan :
👍 3,8 t CO2eq, ~40% de la moyenne nationale
👎 Mais encore très loin de « l’objectif 2 tonnes »

Notons que, via le simulateur utilisé, 1,5 TONNES sont affectées automatiquement à l’utilisation des SERVICES PUBLICS: santé, éducation, régalien… (voir graphe ci-dessous).

(Test réalisé en janvier 2023 via Nos Gestes Climat.)

Des tests complémentaires montrent que selon les efforts consentis, les « bons » bilans peuvent s’échelonner en moyenne entre 4 tonnes et 5 tonnes. A ce stade on peut donc se poser LA question : cet objectif 2 tonnes est-il RÉALISTE ? Continuons.

D’où vient l’objectif 2 tonnes ?

Une analyse rapide de la littérature montre une première chose : cet objectif s’est imposé sans qu’il soit vraiment clairement défini ni revendiqué par un quelconque auteur. Par ailleurs, comme l’a souligné Bon Pote, l’objectif de 2 tonnes n’est jamais clairement explicité mais doit être déduit de l’analyse combinée de plusieurs sources et conclusions.

Revenons au point de départ. Les conclusions établies par le GIEC permettent d’établir des scénarios pour chaque réchauffement cible à ne pas dépasser (+1.5°C, par exemple). Ces éléments peuvent être ensuite transcrits au niveau national par les différents pays, ce qui permet de fixer des caps à suivre (ces éléments sont bien décrits dans l’infographie établie par L’Iglou).

Au niveau français ce cap à suivre a un nom : c’est la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Différentes étapes existent, dont 2030 et 2050, comme le montre le graphe ci-après.

Stratégie Nationale Bas Carbone, source Ministère de la Transition écologique et solidaire, 2020.

L’objectif d’émissions françaises en 2050 est de 80 Mt CO2eq, car ce volume peut être alors équilibré par les puits carbone existants, on le voit sur le graphe. Par ailleurs les prévisions démographiques à cette date permettent de fournir une indication pour un objectif personnel (1,1 t CO2eq / habitant). Enfin il reste à convertir les émissions nationales en empreinte carbone, c’est à dire en les augmentant des émissions liées aux produits importés (et en les diminuant des émissions liées aux produits exportés). Le calcul débouche ainsi sur une estimation finale située entre 1,5 et 1,8 tonnes par habitant.

C’est donc bien sur ces bases que se conçoit l’objectif 2 tonnes de CO2eq : une cible prenant en compte les émissions, le niveau des importations/exportations et les puits de carbone disponibles… en 2050.

Que penser finalement de cet objectif 2 tonnes ?

Plusieurs conclusions découlent de ces éléments :

Il fallait s’en douter : lorsque l’on fixe un objectif à 2050 on accepte forcément une imprécision importante, liée à la progression des évènements sur plusieurs décennies. Le potentiel des puits carbone, l’évolution des GES émis, la modification du ratio importations/exportations, les comportements humains… sont autant de facteurs qui peuvent évoluer et s’écarter des modélisations initiales.
Ce qui est sûr en tout cas c’est que cet objectif (2 tonnes) n’est pas adapté à la situation actuelle et ne peut être atteint, et ce pour une raison simple : cet objectif est conçu pour une cible 2050. Imaginez : actuellement 1,5 TONNES sont dues à l’utilisation des SERVICES PUBLICS: santé, éducation, régalien…!
L’important est de faire. Dès lors, les résultats obtenus à ces tests seront inférieurs à la moyenne nationale (8,9 tonnes de CO2eq en 2021), et ceci constitue un premier pas significatif.

On peut regretter, finalement, que ces éléments ne soient pas clairement contextualisés au démarrage du test… Au contraire, on peut lire dans les premières pages : « Nous avons chacun le choix … d’un style de vie soutenable à moins de 2 tonnes de CO₂ … à l’équilibre avec la capacité naturelle de notre pays à absorber nos émissions »… Des explications complémentaires auraient garanti de ne pas décourager les participants… et de mieux flatter le futur.

Soyons positifs : pour accéder à l’objectif 2 tonnes en 2050, il convient de diminuer de 5% par an notre empreinte carbone individuelle. Certains seront prêts bien avant, d’autres le seront à l’échéance. Quoi qu’il en soit, toute action actuelle a une valeur mimétique, action vaut exemple.