Transport à la voile : pas que du CO2 en moins

Allez, on se projette avec optimisme dans le futur, nous sommes en 2050, le transport de marchandises à la voile a explosé et a embarqué avec lui un nouveau tourisme-croisière écolo et a lancé le slow-transport de personnes, sur des centaines de destinations. Le gain en CO2 peut approcher ou dépasser 1 Gt de CO2eq. Examinons le potentiel à travers, notamment, les navires Towt.

Le transport maritime de marchandise : un bilan carbone important et près à exploser

Le commerce maritime évolue drastiquement depuis les années 1990, de 4000 millions de tonnes de marchandises chargées à environ 11000 millions de tonnes en 2021. De nos jours, le transport par conteneurs est devenu incontournable pour les échanges internationaux de marchandises. Il est estimé qu’environ un sixième du fret maritime mondial concerne le transport par conteneurs et, avec lui, essentiellement des produits manufacturés et marchandises destinés à la grande distribution.

Le transport maritime est la pierre angulaire du commerce international et poursuit son expansion. Selon les données du rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), les navires transportent de nos jours plus de 80 % du volume du commerce mondial et représentent 90 % des échanges intercontinentaux de marchandises.

Par ailleurs, selon le Rapport du GIEC 2022, sur la décennie écoulée, le transport maritime était annuellement responsable de 600 à 1 100 MtCO2, soit 3 % des émissions mondiales de CO2 et, selon l’Ademe, cette part pourrait tripler à l’horizon 2050.

Evolution du volume de fret maritime dans le monde, en millions de tonnes de marchandises.

>> Voir aussi : Industrie aéronautique: des émissions et des inégalités

Le transport maritime à la voile : une solution plurielle

L’immense avantage du transport maritime à la voile est qu’il peut combiner différents services, dont par exemple : le transport de marchandise, le tourisme à la voile et le slow-transport de personnes, sur des centaines de destinations.

Alors, fermons les yeux et imaginons : en 2050 les voiliers ont pris le pouvoir : grâce à TOWT – Transport à la voile et à ses homologues, dont Hisseo, NEOLINE, Zéphyr & Borée, Grain de sail et Vela, les gains en CO2 sont gigantesques (chiffres issus de notre étude prospective interne) :
👉  La voile représente désormais 50% du transport de marchandises et permet d’économiser ~500Mt par an de CO2.
👉  Challengé par le slow-transport maritime, l’aérien a perdu 30% de son trafic (~200Mt CO2), ce qui a aidé à neutraliser ses émissions.
👉  10% du tourisme mondial s’effectue dorénavant en mer à bord de ces navires à voile géants, via un impact carbone négligeable (gain: ~500Mt CO2).

Au final : 1,2Gt de CO2 non produit (~3% des émissions totales actuelles)… à condition de traiter globalement cette solution de transport à la voile, d’en faire finalement un mode de fonctionnement englobant la nécessaire économie mondiale mais également une nouvelle voie sociale.

Hypothèses réalisées :
• Bilan carbone du Transport de marchandises en navigation à la voile : 10% de la navigation fossile (source : Ademe 2023).
• Impact carbone du tourisme et du transport de personnes à la voile : négligé (dans le cadre d’un embarquement à bord d’un navire affrété en transport de marchandises et sans modification de la route).
• Autres hypothèses posées : arbitraires.

Visuel des navires Towt, proposant tout à la fois le transport de marchandise et le tourisme à la voile dans des cabines confortables. Crédit image : Towt.

>> Voir aussi : Pollution des océans par le plastique et les emballages

Des navires multifonctionnels et efficaces

Chez Towt, la taille des navires est impressionnante : une coque de plus de 81 mètres et une hauteur de 64 mètres.

Les navires permettent de transporter en cale 1 080 palettes soit l’équivalent de 100 conteneurs de 20 pieds. Les équipements consistent en 6 cales de 19-21 mètres de long pour 12 mètres de large, sur 3 entreponts, que l’on peut dé/charger en quelques heures seulement.

En mode « tourisme à la voile », le voilier peut embarquer 12 passagers dans 6 cabines. Ces dernières sont qualifiées non de luxueuses mais de confortable. Le slogan de Towt est à conforme à cette logique fonctionnelle : « Vous n’allez pas faire du bateau, vous allez naviguer ».

Structure des navires Towt. Crédit image : Towt.

>> Voir aussi : Déchets marins : radiographie des plages de vos vacances…

Points durs, implications

Une objection revient régulièrement : quid de l’adaptation de ces navires à la mauvaise météo. Les mâts et voiles des voiliers-cargos sont bien sûr prévus pour le gros temps: tout est fully-coded et/ou avec gestion par une intelligence artificielle. Par ailleurs, tous les équipements sont dimensionnés au-delà des exigences réglementaires. En théorie les navires ne craignent pas la (très très) mauvaise météo, même si, bien sûr, tout sera fait pour l’éviter.

Non, le point le plus délicat, et qui handicape le plus le développement du transport de marchandise à la voile, c’est le volume : 24 millions de conteneurs transitent chaque année sur les mers à bord d’environ 6000 navires. La congestion portuaire est un problème récurrent ; en janvier 2022, environ 90 navires étaient en attente au large de la Californie, 67 aux abords de Shanghai ou Ningboet 14 dans la zone entre Anvers et RotterdamLe déséquilibre entre les capacités opérationnelles des ports et l’afflux des porte-conteneurs retarde les déchargements et par réaction en chaîne augmente la congestion.

En supposant, pour poursuivre les hypothèses précédentes, que le transport à la voile représente à terme (en 2050 par exemple) 50% de ce trafic, il faudrait disposer de 120000 navires (contre 6000 actuellement, redisons-le)… Ceci représenterait évidemment une emprise considérable dans les ports (qui subissent déjà des contraintes fortes pour beaucoup, d’entre eux, voir graphe ci-dessous) et sur les mers, et impliquerait une logistique portuaire à revoir intégralement (dont la gestion de la cohabitation délicate avec les autres navires, représentant également 50% du traffic).

On pourrait arguer en proposant d’augmenter la taille des navires afin de réduire leur nombre, mais malheureusement, on sait que plus le navire est imposant en taille moins la part d’énergie vélique est importante. Envisager une significative augmentation de taille des voiliers ne serait donc pas une réponse durable.

Finalement, comme souvent en matière de solutions durables, les options envisagées devront être couplées avec une baisse du transport de marchandises, globalement.

Classement de la performance des ports : du rouge (le moins performant) au bleu (le plus performant), données 2022, UNCTAD.

>> Voir aussi : Écobilan, ACV et écoconception : décryptage

Sources, réseaux sociaux, crédit image :

• Situation et évolution des émissions du Transport maritime: GIEC, rapport 2022, https://report.ipcc.ch/ar6/wg3/IPCC_AR6_WGIII_Full_Report.pdf

• Conditions d’obtention de la neutralité carbone dans l’Aérien : S. Gossling & al., https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378020307779. Voir aussi https://naturaldevelopment.fr/industrie-aeronautique-des-emissions-et-des-inegalites/

• Bilan CO2 du Tourisme mondial : The University of Sydney, Nature Climate Change 2018 : https://www.nature.com/articles/s41558-018-0141-x

• Review of maritime transport, 2022, UN, rapport

• Retrouvez nos articles sur le sujet sur Linkedin.

• image à la une : données fournies par Towt

• Suivez notre page Natural development

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.